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 Plongée à Bruxelles au  coeur de l'Union Européenne

Bruxelles est le centre du pouvoir , le coeur battant d'un système fort de 20000 fonctionnaires disposant d'un droit d'initiative exclusif . Pendant que la France se plaint , souvent à juste titre, du poids de la bureaucratie bruxelloise, Britanniques et Allemands, pour ne parler que des plus actifs, s'organisent en investissant méthodiquement les rouages d'un pouvoir dont ils espèrent tirer profit à certains moments clés (quand une directive préparée par la Commission arrive, par exemple, sur la table du Conseil) cela s'appelle le lobbying. Les Français sont, eux , les derniers à s'organiser. Cet état de fait peut-il durer sans dommage gravissime pour les intérêts français ?

Certes la France conserve son poids symbolique de membre fondateur mais dans la stratégie d'influence  menée au quotidien par les États, les députés européens, mais aussi les fonctionnaires français et les acteurs de l'économie (entrepreneurs, banquiers, groupes d'intérêts  professionnels ou syndicaux ) commencent seulement à réaliser que les intérêts français ne se défendent plus à Paris!

A l'origine du projet de monnaie unique, les Français ont réussi à conserver une certaine aura jusqu'au début des années 1990. " Mais quand les grands projets politiques ont été mis sur les rails, on s'est rendu compte que dans le fonctionnement de la machine on avait perdu notre place" explique Guillaume Durand, analyste politique à l'European Policy Center, un des grands centre de recherche européen à Bruxelles.

Perte d'influence de la langue française

Langue commune à trois des six pays fondateurs, le français était à l'origine une des langues de travail de la Commission et du Parlement Européen. " Quand je suis arrivée, au début des années 1980, tous les documents étaient traduits en français, puis en anglais. aujourd'hui, et encore plus depuis l'élargissement, le français n'est plus du tout systématiquement utilisé " raconte Martine Allais.

L'anglais est devenu devient la langue de communication à Bruxelles. On peut certes le déplorer mais c'est un fait. - - il convient donc d'envoyer à Bruxelles des gens qui parlent et comprennent la langue dominante : l'anglais.

- Enseignement : Il faudrait  également d'être réaliste et pragmatique dans notre choix de langues étrangères. L'anglais doit être obligatoire en première langue !

Changement de la structure administrative

Symbole de l'influence britannique au sein des institutions européennes, la structure même de l'administration communautaire a changé. Créée selon le modèle français, elle a été totalement transformée  après la chute de la Commission Santer en 1999. La réforme mise en place en 2000 par  le vice-président britannique de l'époque Neil Kinnock est fortement inspirée du modèle anglais  : plus de direction centralisée, selon la tradition "énarchique" française : accroissement de l'autonomie de gestion des fonctionnaires service par service, etc.

La culture du lobbying

L'absence totale de culture du lobbying en France est également l'un des facteurs fondamentaux de la diminution de l'influence française à Bruxelles. "Structurellement, la mentalité française ne comprend pas bien le rôle du lobbying et y est franchement hostile. Ce qui n'est pas le cas des Anglais, qui apprennent dès l'école à tisser des réseaux . Il n'y a pas ici, par exemple, de corps d'élite totalement façonné. Il faut donc s'exprimer  de manière audible et compréhensible. Si je vois un fonctionnaire allemand et que je lui dit que j'ai fait l'ENA, cela ne suffit pas à le convaincre." explique Stéphane Desselas, directeur associé d'Athenora , un jeune cabinet de lobbying français.

Même chose pour Daniel Guéguen ancien directeur du COPA ( Comité des organisations professionnelles agricoles de l'IU) qui fustige le dénigrement des Français vis à vis du lobbying bruxellois :" Les Français sont arrogants  et ne comprennent rien au système bruxellois. Et l'État est le principal fautif . On essaie de faire croire aux français que l'intervention politique suffit pour orienter le débat, alors que nous qui travaillons au quotidien auprès des instances communautaires savons très bien que, pour réussir à faire passer ses idées ici, tout se passe par le bas et jamais par le haut."

Les effets désastreux de la position française

La manière dont les français ont mené la réforme  de la politique agricole commune ou les discours de Jacques Chirac sur la baisse de la TVA sur la restauration sont autant d'exemple  de l'inefficacité des Français dans les dossiers européens. Refusant de discuter sur les questions agricoles, les Français ont laissé passer les négociations et se sont retrouvés à la fin en minorité, obligés de céder.

Quant à la diminution de la TVA sur la restauration ,"n'importe quel stagiaire  ici sait qu'elle ne passera jamais parce que c'est une matière qui relève de l'unanimité  et que les Allemands sont contre" ajoute Daniel Guéguen. Sans compter l'histoire de la directive Bolkestein. Chirac essaie de faire croire aux Français qu'il a réussi à la retirer alors que c'est totalement faux ".

Le texte proposé par le commissaire Frits Bolkestein était en première lecture au Parlement européen au moment où il a été brandi par les partisans du non au référendum. Comme si les hommes politiques français avaient oublié que le pouvoir législatif de l'Union Européenne n'était pas détenu par la Commission.

Ces habitudes françaises suscitent des réactions hostiles de la part de nos voisins. " Si nous voulons encore être soutenu sur des projets comme Iter - le projet français de réacteur nucléaire qui devrait être construit à Cadarache - , il faut absolument que les politiques français changent d'attitude, car cela ne durera pas éternellement. nous ne pouvons plus agir seuls, c'est terminé" , gronde Françoise Grossetête, député européenne française.

Symbole de son mépris pour les activités bruxelloises, l'Etat français est réputé pour envoyer à Bruxelles les fonctionnaires les moins compétents ou les hommes politiques sans avenir national ou en fin de parcours. Le réseau français à la Commission Européenne ne fait l'objet d'aucun attention particulière de la part du gouvernement  , tandis qu'Anglais, Espagnols ou Allemands envoient leurs meilleurs éléments et organisent même des préparations aux différents concours de l'administration communautaire.

Proposés par la Commission, les textes de lois sont ensuite examinés par le Parlement, puis par le Conseil. Toutes les études d'impact demandées par la Commission dans la préparation du projet de directive sont obligatoirement gagnées de manière transparentes, " et sont très souvent remportées par les universitaires scandinaves " raconte le représentant d'une grosse société industrielle française. Le lobbying en amont est donc très important puisque toutes les recommandations vont se passer de manière non officielle.

Comprenant le système, les Anglais sont devenus incontournables à la Commission, "ce qui est loin d'être le cas des Français", ajoute-t-il.

Ses compétences s'élargissant au fur et à mesure des traités, le Parlement européen est devenu un élément important dans la stratégie d'influence communautaire  

Absentéisme, incompétence, désintérêt total pour la chose communautaire, les griefs à l'encontre des députés européens français sont légions  depuis de nombreuses années. Plus que n'importe laquelle des institutions communautaires, la délégation française a toujours été réputée pour être un vivier d'hommes politiques recasés.

La désinvolture des députés européens français semble avoir atteint son apogée lors de la précédente législature. Peu nombreux dans les commissions importantes, c'est à dire celles à vocation économique - domaine dans lequel le Parlement a un fort pouvoir de décision-, les députés  français étaient surreprésentés dans les commissions prestigieuses, là où les députés sont simplement consultés (affaires constitutionnelles ou de l'agriculture)

"On peut vraiment dire qu'il y a eu une nette amélioration de ce côté-là depuis les dernières élections, estime Stéphane Desselas. Le nombre de bons députés  français a quantitativement augmenté. Sur les 78 députés, il y en a environ 25 qui sont vraiment efficaces. Presque trois fois plus qu'avant!

Une note d'espoir dans un océan de perplexité ....

Extraits d'un article paru dans Valeurs Actuelles du 13 mais 2005

 contact à Andre.Gendre@granville-douzelage.net